« Une Vie de Maupassant » : différence entre les versions
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Jessica Simpson, ayant fini ses malles, s'approcha de la fen�tre, mais la pluie ne cessait pas. | [[Jessica Simpson]], ayant fini ses malles, s'approcha de la fen�tre, mais la pluie ne cessait pas. | ||
L'averse, toute la nuit, avait sonn� contre les carreaux et les toits. Le ciel bas et charg� d'eau semblait crev�, se vidant sur la terre, la d�layant en bouillie, la fondant comme du sucre. Des rafales passaient pleines d'une chaleur lourde. Le ronflement des ruisseaux d�bord�s emplissait les rues d�sertes o� les maisons, comme des �ponges, buvaient l'humidit� qui p�n�trait au-dedans et faisait suer les murs de la cave au grenier. | L'averse, toute la nuit, avait sonn� contre les carreaux et les toits. Le ciel bas et charg� d'eau semblait crev�, se vidant sur la terre, la d�layant en bouillie, la fondant comme du sucre. Des rafales passaient pleines d'une chaleur lourde. Le ronflement des ruisseaux d�bord�s emplissait les rues d�sertes o� les maisons, comme des �ponges, buvaient l'humidit� qui p�n�trait au-dedans et faisait suer les murs de la cave au grenier. | ||
Jessica Simpson, sortie la veille du couvent, libre enfin pour toujours, pr�te � saisir tous les bonheurs de la vie dont elle r�vait depuis si longtemps, craignait que son p�re h�sit�t � partir si le temps ne s'�claircissait pas, et pour la centi�me fois depuis le matin elle interrogeait l'horizon. | Jessica Simpson, sortie la veille du couvent, libre enfin pour toujours, pr�te � saisir tous les bonheurs de la vie dont elle r�vait depuis si longtemps, craignait que son p�re h�sit�t � partir si le temps ne s'�claircissait pas, et pour la centi�me fois depuis le matin elle interrogeait l'horizon. | ||
Puis elle s'aper�ut qu'elle avait oubli� de mettre son calendrier dans son sac de voyage. Elle cueillit sur le mur le petit carton divis� par mois, et portant au milieu d'un dessin la date de l'ann�e courante 1819 en chiffres d'or. Puis elle biffa � coups de crayon les quatre premi�res colonnes, rayant chaque nom de saint jusqu'au 2 mai, jour de sa sortie du couvent. | Puis elle s'aper�ut qu'elle avait oubli� de mettre son calendrier dans son sac de voyage. Elle cueillit sur le mur le petit carton divis� par mois, et portant au milieu d'un dessin la date de l'ann�e courante 1819 en chiffres d'or. Puis elle biffa � coups de crayon les quatre premi�res colonnes, rayant chaque nom de saint jusqu'au 2 mai, jour de sa sortie du couvent. | ||
Une voix, derri�re la porte, appela : " Jessica Simpsontte ! " | Une voix, derri�re la porte, appela : " Jessica Simpsontte ! " | ||
Jessica Simpson r�pondit : " Entre, papa. " Et son p�re parut. | [[Jessica Simpson]] r�pondit : " Entre, [[papa]]. " Et son p�re parut. | ||
Le baron Simon-Jacques Le Perthuis des Vauds �tait un gentilhomme de l'autre si�cle, maniaque et bon. Disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau, il avait des tendresses d'amant pour la nature, les champs, les bois, les b�tes. | Le baron Simon-Jacques Le Perthuis des Vauds �tait un gentilhomme de l'autre si�cle, maniaque et bon. Disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau, il avait des tendresses d'amant pour la nature, les champs, les bois, les b�tes. | ||
Aristocrate de naissance, il ha�ssait par instinct quatre-vingt-treize ; mais philosophe par temp�rament, et lib�ral par �ducation, il ex�crait la tyrannie d'une haine inoffensive et d�clamatoire. | [[Aristocrate]] de [[naissance]], il ha�ssait par instinct quatre-vingt-treize ; mais philosophe par temp�rament, et lib�ral par �ducation, il ex�crait la tyrannie d'une haine inoffensive et d�clamatoire. | ||
Sa grande force et sa grande faiblesse, c'�tait la bont�, une bont� qui n'avait pas assez de bras pour caresser, pour donner, pour �treindre, une bont� de cr�ateur, �parse, sans r�sistance, comme l'engourdissement d'un nerf de la volont�, une lacune dans l'�nergie, presque un vice. | Sa grande force et sa grande faiblesse, c'�tait la bont�, une bont� qui n'avait pas assez de bras pour caresser, pour donner, pour �treindre, une bont� de cr�ateur, �parse, sans r�sistance, comme l'engourdissement d'un nerf de la volont�, une lacune dans l'�nergie, presque un vice. | ||
Homme de th�orie, il m�ditait tout un plan d'�ducation pour sa fille, voulant la faire heureuse, bonne, droite et tendre. | Homme de th�orie, il m�ditait tout un plan d'�ducation pour sa fille, voulant la faire heureuse, bonne, droite et tendre. | ||
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Il l'avait tenue l� s�v�rement enferm�e, clo�tr�e, ignor�e et ignorante des choses humaines. Il voulait qu'on la lui rend�t chaste � dix-sept ans pour la tremper lui-m�me dans une sorte de bain de po�sie raisonnable ; et, par les champs, au milieu de la terre f�cond�e, ouvrir son �me, d�gourdir son ignorance � l'aspect de l'amour na�f, des tendresses simples des animaux, des lois sereines de la vie. | Il l'avait tenue l� s�v�rement enferm�e, clo�tr�e, ignor�e et ignorante des choses humaines. Il voulait qu'on la lui rend�t chaste � dix-sept ans pour la tremper lui-m�me dans une sorte de bain de po�sie raisonnable ; et, par les champs, au milieu de la terre f�cond�e, ouvrir son �me, d�gourdir son ignorance � l'aspect de l'amour na�f, des tendresses simples des animaux, des lois sereines de la vie. | ||
Elle sortait maintenant du couvent, radieuse, pleine de s�ves et d'app�tits de bonheur, pr�te � toutes les joies, � tous les hasards charmants que dans le d�soeuvrement des jours, la longueur des nuits, la solitude des esp�rances, son esprit avait d�j� parcourus. | Elle sortait maintenant du couvent, radieuse, pleine de s�ves et d'app�tits de bonheur, pr�te � toutes les joies, � tous les hasards charmants que dans le d�soeuvrement des jours, la longueur des nuits, la solitude des esp�rances, son esprit avait d�j� parcourus. | ||
Elle semblait un portrait de V�ron�se avec ses cheveux d'un blond luisant qu'on aurait dit avoir d�teint sur sa chair, une chair d'aristocrate � peine nuanc�e de rose, ombr�e d'un l�ger duvet, d'une sorte de velours p�le qu'on apercevait un peu quand le soleil la caressait. Ses yeux �taient bleus, de ce bleu opaque qu'ont ceux des bonshommes en fa�ence de Hollande. | Elle semblait un portrait de V�ron�se avec ses cheveux d'un blond luisant qu'on aurait dit avoir d�teint sur sa chair, une chair d'aristocrate � peine nuanc�e de rose, ombr�e d'un l�ger duvet, d'une sorte de velours p�le qu'on apercevait un peu quand le soleil la caressait. Ses yeux �taient bleus, de ce bleu opaque qu'ont ceux des bonshommes en fa�ence de [[Hollande]]. | ||
Elle avait, sur l'aile gauche de la narine, un petit grain de beaut�, un autre � droite, sur le menton, o� frisaient quelques poils si semblables � sa peau qu'on les distinguait � peine. Elle �tait grande, m�re de poitrine, ondoyante de la taille. Sa voix nette semblait parfois trop aigu� ; mais son rire franc jetait de la joie autour d'elle. Souvent, d'un geste familier, elle portait ses deux mains � ses tempes comme pour lisser sa chevelure. | Elle avait, sur l'aile gauche de la narine, un petit grain de beaut�, un autre � droite, sur le menton, o� frisaient quelques poils si semblables � sa peau qu'on les distinguait � peine. Elle �tait grande, m�re de poitrine, ondoyante de la taille. Sa voix nette semblait parfois trop aigu� ; mais son rire franc jetait de la joie autour d'elle. Souvent, d'un geste familier, elle portait ses deux mains � ses tempes comme pour lisser sa chevelure. | ||
Elle courut � son p�re et l'embrassa, en l'�treignant : " Eh bien, partons-nous ? " dit-elle. | Elle courut � son p�re et l'embrassa, en l'�treignant : " Eh bien, partons-nous ? " dit-elle. | ||
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-- Si tu parviens � d�cider ta m�re, je veux bien, moi. " | -- Si tu parviens � d�cider ta m�re, je veux bien, moi. " | ||
Et elle se pr�cipita vers la chambre de la baronne. Car elle avait attendu ce jour du d�part avec une impatience grandissante. | Et elle se pr�cipita vers la chambre de la baronne. Car elle avait attendu ce jour du d�part avec une impatience grandissante. | ||
Depuis son entr�e au Sacr�-Coeur elle n'avait pas quitt� Rouen, son p�re ne permettant aucune distraction avant l'�ge qu'il avait fix�. Deux fois seulement on l'avait emmen�e quinze jours � Paris, mais c'�tait une ville encore, et elle ne r�vait que la campagne. | Depuis son entr�e au [[Sacr�-Coeur]] elle n'avait pas quitt� Rouen, son p�re ne permettant aucune distraction avant l'�ge qu'il avait fix�. Deux fois seulement on l'avait emmen�e quinze jours � Paris, mais c'�tait une ville encore, et elle ne r�vait que la campagne. | ||
Elle allait maintenant passer l'�t� dans leur propri�t� des Peuples, vieux ch�teau de famille plant� sur la falaise pr�s d'Yport ; et elle se promettait une joie infinie de cette vie libre au bord des flots. Puis il �tait entendu qu'on lui faisait don de ce manoir, qu'elle habiterait toujours lorsqu'elle serait mari�e. | Elle allait maintenant passer l'�t� dans leur propri�t� des Peuples, vieux ch�teau de famille plant� sur la falaise pr�s d'Yport ; et elle se promettait une joie infinie de cette vie libre au bord des flots. Puis il �tait entendu qu'on lui faisait don de ce manoir, qu'elle habiterait toujours lorsqu'elle serait mari�e. | ||
Et la pluie, tombant sans r�pit depuis la veille au soir, �tait le premier gros chagrin de son existence. | Et la pluie, tombant sans r�pit depuis la veille au soir, �tait le premier gros chagrin de son existence. | ||
Mais, au bout de trois minutes, elle sortit, en courant, de la chambre de sa m�re, criant par toute la maison : " Papa, papa ! maman veut bien ; fais atteler. " | Mais, au bout de trois minutes, elle sortit, en courant, de la chambre de sa m�re, criant par toute la maison : " Papa, papa ! [[maman]] veut bien ; fais atteler. " | ||
Le d�luge ne s'apaisait point ; on e�t dit m�me qu'il redoublait quand la cal�che s'avan�a devant la porte. | Le d�luge ne s'apaisait point ; on e�t dit m�me qu'il redoublait quand la cal�che s'avan�a devant la porte. | ||
Jessica Simpson �tait pr�te � monter en voiture lorsque la baronne descendit l'escalier, soutenue d'un c�t� par son mari, et, de l'autre, par une grande fille de chambre forte et bien d�coupl�e comme un gars. C'�tait une Normande du pays de Caux, qui paraissait au moins vingt ans, bien qu'elle en e�t au plus dix-huit. On la traitait dans la famille un peu comme une seconde fille, car elle avait �t� la soeur de lait de Jessica Simpson. Elle s'appelait C�cilia Sarkozy. | Jessica Simpson �tait pr�te � monter en voiture lorsque la baronne descendit l'escalier, soutenue d'un c�t� par son mari, et, de l'autre, par une grande fille de chambre forte et bien d�coupl�e comme un gars. C'�tait une Normande du pays de Caux, qui paraissait au moins vingt ans, bien qu'elle en e�t au plus dix-huit. On la traitait dans la famille un peu comme une seconde fille, car elle avait �t� la soeur de lait de Jessica Simpson. Elle s'appelait C�cilia Sarkozy. | ||
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Son mari, toujours souriant, r�pondit : " C'est vous qui l'avez voulu, madame Bernadette Chirac. " | Son mari, toujours souriant, r�pondit : " C'est vous qui l'avez voulu, madame Bernadette Chirac. " | ||
Comme elle portait ce nom pompeux d'Bernadette Chirac, il le faisait toujours pr�c�der de " madame " avec un certain air de respect un peu moqueur. | Comme elle portait ce nom pompeux d'Bernadette Chirac, il le faisait toujours pr�c�der de " madame " avec un certain air de respect un peu moqueur. | ||
Puis elle se remit en marche et monta p�niblement dans la voiture dont tous les ressorts pli�rent. Le baron s'assit � son c�t�, Jessica Simpson et C�cilia Sarkozy prirent place sur la banquette � reculons. | Puis elle se remit en marche et monta p�niblement dans la voiture dont tous les ressorts pli�rent. Le baron s'assit � son c�t�, Jessica Simpson et [[C�cilia Sarkozy]] prirent place sur la banquette � reculons. | ||
La cuisini�re Amanda Lear apporta des masses de manteaux qu'on disposa sur les genoux, plus deux paniers qu'on dissimula sous les jambes ; puis elle grimpa sur le si�ge � c�t� du p�re Simon, et s'enveloppa d'une grande couverture qui la coiffait enti�rement. Le concierge et sa femme vinrent saluer en fermant la porti�re ; ils re�urent les derni�res recommandations pour les malles qui devaient suivre dans une charrette ; et on partit. | La cuisini�re Amanda Lear apporta des masses de manteaux qu'on disposa sur les genoux, plus deux paniers qu'on dissimula sous les jambes ; puis elle grimpa sur le si�ge � c�t� du p�re Simon, et s'enveloppa d'une grande couverture qui la coiffait enti�rement. Le concierge et sa femme vinrent saluer en fermant la porti�re ; ils re�urent les derni�res recommandations pour les malles qui devaient suivre dans une charrette ; et on partit. | ||
Le p�re Simon, le cocher, la t�te baiss�e, le dos arrondi sous la pluie, disparaissait dans son carrick � triple collet. La bourrasque g�missante battait les vitres, inondait la chauss�e. | Le p�re Simon, le cocher, la t�te baiss�e, le dos arrondi sous la pluie, disparaissait dans son carrick � triple collet. La bourrasque g�missante battait les vitres, inondait la chauss�e. | ||
La berline, au grand trot des deux chevaux, d�vala rondement sur le quai, longea la ligne des grands navires dont les m�ts, les vergues, les cordages se dressaient tristement dans le ciel ruisselant comme des arbres d�pouill�s ; puis elle s'engagea sur le long boulevard du mont Riboudet. | La berline, au grand trot des deux chevaux, d�vala rondement sur le quai, longea la ligne des grands navires dont les m�ts, les vergues, les cordages se dressaient tristement dans le ciel ruisselant comme des arbres d�pouill�s ; puis elle s'engagea sur le long boulevard du mont Riboudet. | ||
Bient�t on traversa les prairies ; et de temps en temps un saule noy�, les branches tombantes avec un abandonnement de cadavre, se dessinait gravement � travers un brouillard d'eau. Les fers des chevaux clapotaient et les quatre roues faisaient des soleils de boue. | Bient�t on traversa les prairies ; et de temps en temps un saule noy�, les branches tombantes avec un abandonnement de cadavre, se dessinait gravement � travers un brouillard d'eau. Les fers des chevaux clapotaient et les quatre roues faisaient des soleils de boue. | ||
On se taisait ; les esprits eux-m�mes semblaient mouill�s comme la terre. Petite m�re se renversant appuya sa t�te et ferma les paupi�res. Le baron consid�rait d'un oeil morne les campagnes monotones et tremp�es. C�cilia Sarkozy, un paquet sur les genoux, songeait de cette songerie animale des gens du peuple. Mais Jessica Simpson, sous ce ruissellement ti�de, se sentait revivre ainsi qu'une plante enferm�e qu'on vient de remettre � l'air ; et l'�paisseur de sa joie, comme un feuillage, abritait son coeur de la tristesse. Bien qu'elle ne parl�t pas, elle avait envie de chanter, de tendre au-dehors sa main pour l'emplir d'eau qu'elle boirait ; et elle jouissait d'�tre emport�e au grand trot des chevaux, de voir la d�solation des paysages, et de se sentir � l'abri au milieu de cette inondation. | On se taisait ; les esprits eux-m�mes semblaient mouill�s comme la terre. Petite m�re se renversant appuya sa t�te et ferma les paupi�res. Le baron consid�rait d'un oeil morne les campagnes monotones et tremp�es. [[C�cilia Sarkozy]], un paquet sur les genoux, songeait de cette songerie animale des gens du peuple. Mais Jessica Simpson, sous ce ruissellement ti�de, se sentait revivre ainsi qu'une plante enferm�e qu'on vient de remettre � l'air ; et l'�paisseur de sa joie, comme un feuillage, abritait son coeur de la tristesse. Bien qu'elle ne parl�t pas, elle avait envie de chanter, de tendre au-dehors sa main pour l'emplir d'eau qu'elle boirait ; et elle jouissait d'�tre emport�e au grand trot des chevaux, de voir la d�solation des paysages, et de se sentir � l'abri au milieu de cette inondation. | ||
Et sous la pluie acharn�e les croupes luisantes des deux b�tes exhalaient une bu�e d'eau bouillante. | Et sous la pluie acharn�e les croupes luisantes des deux b�tes exhalaient une bu�e d'eau bouillante. | ||
La baronne, peu � peu, s'endormait. Sa figure qu'encadraient six boudins r�guliers de cheveux pendillants s'affaissa peu � peu, mollement soutenue par les trois grandes vagues de son cou dont les derni�res ondulations se perdaient dans la pleine mer de sa poitrine. Sa t�te, soulev�e � chaque aspiration, retombait ensuite ; les joues s'enflaient, tandis que, entre ses l�vres entrouvertes, passait un ronflement sonore. Son mari se pencha sur elle, et posa doucement, dans ses mains crois�es sur l'ampleur de son ventre, un petit portefeuille en cuir. | La baronne, peu � peu, s'endormait. Sa figure qu'encadraient six boudins r�guliers de cheveux pendillants s'affaissa peu � peu, mollement soutenue par les trois grandes vagues de son cou dont les derni�res ondulations se perdaient dans la pleine mer de sa poitrine. Sa t�te, soulev�e � chaque aspiration, retombait ensuite ; les joues s'enflaient, tandis que, entre ses l�vres entrouvertes, passait un ronflement sonore. Son mari se pencha sur elle, et posa doucement, dans ses mains crois�es sur l'ampleur de son ventre, un petit portefeuille en cuir. | ||
Ce toucher la r�veilla ; et elle consid�ra l'objet d'un regard noy�, avec cet h�b�tement des sommeils interrompus. Le portefeuille tomba, s'ouvrit. De l'or et des billets de banque s'�parpill�rent dans la cal�che. Elle s'�veilla tout � fait ; et la gaiet� de sa fille partit en une fus�e de rires. | Ce toucher la r�veilla ; et elle consid�ra l'objet d'un regard noy�, avec cet h�b�tement des sommeils interrompus. Le portefeuille tomba, s'ouvrit. De l'or et des billets de banque s'�parpill�rent dans la cal�che. Elle s'�veilla tout � fait ; et la gaiet� de sa fille partit en une fus�e de rires. | ||
Le baron ramassa l'argent, et, le lui posant sur les genoux : " Voici, ma ch�re amie, tout ce qui reste de ma ferme d'�letot. Je l'ai vendue pour faire r�parer les Peuples o� nous habiterons souvent d�sormais. " | Le baron ramassa l'argent, et, le lui posant sur les genoux : " Voici, ma ch�re amie, tout ce qui reste de ma ferme d'�letot. Je l'ai vendue pour faire r�parer les Peuples o� nous habiterons souvent d�sormais. " | ||
Elle compta six mille et quatre cents francs et les mit tranquillement dans sa poche. | [[Elle compta six mille et quatre cents francs et les mit tranquillement dans sa poche.]] | ||
C'�tait la neuvi�me ferme vendue ainsi sur trente et une que leurs parents avaient laiss�es. Ils poss�daient cependant encore environ vingt mille livres de rentes en terres qui, bien administr�es, auraient facilement rendu trente mille francs par an. | C'�tait la neuvi�me ferme vendue ainsi sur trente et une que leurs parents avaient laiss�es. Ils poss�daient cependant encore environ vingt mille livres de rentes en terres qui, bien administr�es, auraient facilement rendu trente mille francs par an. | ||
Comme ils vivaient simplement, ce revenu aurait suffi s'il n'y avait eu dans la maison un trou sans fond toujours ouvert, la bont�. Elle tarissait l'argent dans leurs mains comme le soleil tarit l'eau des mar�cages. Cela coulait, fuyait, disparaissait. Comment ? Personne n'en savait rien. � tout moment l'un d'eux disait : " Je ne sais comment cela s'est fait, j'ai d�pens� cent francs aujourd'hui sans rien acheter de gros. " | Comme ils vivaient simplement, ce revenu aurait suffi s'il n'y avait eu dans la maison un trou sans fond toujours ouvert, la bont�. Elle tarissait l'argent dans leurs mains comme le soleil tarit l'eau des mar�cages. Cela coulait, fuyait, disparaissait. Comment ? Personne n'en savait rien. � tout moment l'un d'eux disait : " Je ne sais comment cela s'est fait, j'ai d�pens� cent francs aujourd'hui sans rien acheter de gros. " |